« La pensée qui le préoccupait le plus était celle de sa femme, répéta-t-il. Sa plus chère espérance était de la rendre heureuse et de prodiguer pour elle la fortune qu’il avait conquise dans les placers de l’Australie. Je le vis quelques heures après son débarquement en Angleterre, et je fus témoin de toute sa joie à l’idée de son retour auprès de sa femme. Je fus témoin aussi du coup violent qu’il reçut en plein cœur, — et qui le changea aussi complètement qu’un homme peut être changé du jour au lendemain. Le coup qui opéra ce cruel changement fut la nouvelle de la mort de sa femme donnée par le Times. Je crois maintenant que cette nouvelle était un horrible mensonge.
— Ah ! Et quelle raison pouvait-on avoir pour annoncer la mort de mistress Talboys, si elle était encore vivante ?
— Mistress Talboys elle-même avait des raisons pour cela.
— Quelles raisons ?
— Ne pouvait-elle avoir profité de l’absence de George pour trouver un mari plus riche ? Et puisqu’elle était remariée, ne devait-elle pas souhaiter que son ancien mari, mon pauvre ami, perdît sa trace ? »
Lady Audley haussa les épaules.
« Vos suppositions sont passablement absurdes, monsieur Audley, et j’espère que vous les appuyez sur quelques preuves.
— J’ai parcouru un à un tous les journaux publiés à Chelmsford et à Colchester, répondit Robert sans s’arrêter à cette question, et j’ai trouvé dans une des feuilles publiques de Colchester, en date du 2 juillet 1857, un article annonçant que M. George Talboys, un Anglais, était arrivé à Sydney, apportant des placers de la poudre d’or et des pépites pour vingt mille livres, avait réalisé sa fortune, et pris passage pour Liverpool sur le clipper l’Argus. Cette annonce, lady Audley,