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LES OISEAUX DE PROIE

coupent la rue principale de la ville : c’était un passage dans lequel les habitants des maisons des deux côtés de la ruelle pouvaient se donner la main par les fenêtres et où l’odeur des plantes potagères, si libéralement employées dans les cuisines indigènes, vous montait au nez… effroyablement.

Diana s’arrêta un instant à l’entrée de cette ruelle, puis, après un moment d’hésitation, elle passa outre.

« À quoi me servirait de rentrer à la maison ?… il s’écoulera des heures avant qu’ils y reviennent. »

Elle gravit la petite rue montante, se dirigeant vers les sapins ; là, elle se trouva tout à fait seule, et la tranquillité du lieu lui rendit l’esprit plus calme. Elle ôta son chapeau qu’elle suspendit à son bras, en nouant ses rubans fanés. Pendant qu’elle s’avançait, une chaude brise faisait voltiger ses cheveux sur son front. Elle avait vraiment une belle tête. Les traits de Diana étaient doux comme ceux d’Anna Kepp, mais rehaussés par la beauté plus mâle, plus patricienne des Paget ; ses yeux rappelaient tout à fait ceux de l’exquise créature qui avait veillé au chevet d’Horatio ; la courbe ferme de ses lèvres fines, la distinction des lignes du menton révélaient la race des Paget, et le bas de sa figure avait une ressemblance certaine avec les portraits de femmes et de cavaliers d’un manoir appartenant à un Paget, lequel néanmoins n’avait aucun lien de parenté avec le triste capitaine. Les réflexions de la jeune fille pendant qu’elle gravissait la colline étaient loin d’être agréables. La jeunesse, qui semble pourtant marquée pour les douces impressions, n’avait été pour Diana qu’une série d’amertumes ; elle n’avait connu de près que des êtres démoralisés et cela l’avait plus vieillie que les années. L’expérience lui apprit tout ce qu’il y a de douloureux