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LES OISEAUX DE PROIE

dans la vie, avant que le temps lui eût pu enseigner la résignation et la patience. L’enfance de Diana avait été sans joies, sa jeunesse s’était passée dans la solitude. Cette région déserte, cette triste étendue de terrains marécageux, sur laquelle s’étaient fixés ses yeux d’enfant, était comme le symbole de sa triste existence. Avec sa pauvre mère s’était éteint le dernier rayon qui avait éclairé ses premières années. Elle avait été mise chez une nourrice, puis chez une autre, chez une autre encore, et toutes ces femmes, pour lesquelles elle était une charge, n’avaient pu l’aimer. Il était toujours si difficile au capitaine de payer la petite somme exigée pour l’entretien de sa fille ou plutôt il lui était tellement facile de ne pas la payer, que régulièrement Diana était rapportée au logis comme un paquet. La nourrice qui se jugeait volée, et n’avait pas tort, poussait des cris de paon et faisait dans la maison un tapage d’enfer. Le capitaine lui répondait tranquillement que la loi lui permettait de réclamer ce qui lui était dû, mais qu’elle lui interdisait, de même, de faire un pareil vacarme chez un gentleman. Après ces misérables scènes, qui se reproduisaient souvent, la petite était laissée à son père, que cela impatientait, et qui ne se gênait pas pour le montrer. Lorsqu’elle eut dépassé l’âge où un enfant peut être laissé chez une nourrice, le capitaine mit sa fille en pension. À cette occasion, il se décida à s’adresser à une personne qu’il avait autrefois dédaignée, quoiqu’elle fût sa parente. Il y a sur l’arbre généalogique de chaque famille des branches misérables et éparses, et les Paget avaient des cousins pauvres qui, dans la grande bataille de la vie, avaient à lutter dans les rangs les plus humbles du vulgaire. Mlle Priscilla Paget était une de ces parentes-là. De bonne heure, elle avait montré des dispositions pour