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LES OISEAUX DE PROIE

avait été informé qu’il devait posséder une qualité indispensable. Coût : cinq cents livres en capital. Haukehurst était parti d’un formidable éclat de rire lorsque le capitaine lui avait révélé cette condition avec cette douceur et en même temps cette dignité de manières qui lui étaient particulières.

« J’aurais dû me douter que c’était un coupe-gorge, avait dit froidement le jeune homme, que tout votre merveilleux attirail : occupation facile, heures de travail de midi à quatre heures, avancement certain pour une personne consciencieuse et instruite, etc… Les faiseurs n’en font jamais d’autres. Votre annonce est très-bien rédigée, mon cher monsieur, elle l’est trop bien. Il est si difficile pour un habile homme de ne pas être trop habile. La faiblesse prédominante de l’intelligence humaine semble être l’exagération. En tout cas, comme je n’ai pas en ma possession cinq cents livres, hi aucune chance de les avoir, je vous souhaite le bonjour, capitaine Paget. »

Il est des gens qui eussent été pétrifiés par le regard d’indignation que lança Horatio à celui qui osait mettre sa probité en question ; mais il y avait longtemps que Haukehurst avait dû dompter les impatiences de ses nerfs lorsqu’il rencontra le capitaine. Il écouta les reproches de ce gentleman avec un sourire d’admiration. Ce début, qui promettait si peu, eut cependant pour résultat d’établir entre les deux personnages une sorte d’intimité. Depuis quelque temps, Horatio cherchait un instrument digne de lui. La froide insolence de ce jeune homme lui fut une révélation. Il reconnut qu’il avait trouvé celui dont il avait besoin. Un jeune homme qui avait pu rester impassible devant l’indignation d’un rejeton des Paget devait être supérieur aux scrupules