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Page:Braddon - Les Oiseaux de proie, 1874, tome II.djvu/113

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LES OISEAUX DE PROIE

patois natal dans toute sa pureté, et, d’après ce que j’ai compris, j’aurais aussi bien pu le prendre pour le patois des paysans de Carthage.

« Après avoir relayé, nous gravîmes une montée avec un perpétuel accompagnement de cris, de jurons, de claquements de fouet, et de hu !… ho !… Nous arrivâmes à un petit village perché très-haut, à ce qu’il me sembla. Le conducteur du véhicule s’approcha alors de mon simulacre de fenêtre pour me dire que « c’était là. »

« En descendant de la voiture, je me trouvai à la porte d’une petite auberge, éclairée par la lumière de l’intérieur qui arrivait jusqu’à moi, pendant qu’une vieille enseigne, suspendue, grinçait et se mouvait au-dessus de ma tête. Pour moi qui, de ma vie, n’avais eu de plus somptueuses demeures que des auberges, cela pouvait passer pour une résidence convenable. Je payai ma place au conducteur, pris mon sac de nuit, et entrai.

« Je fus accueilli par une hôtesse aux joues roses, propre, et à l’air éveillé, bien que les bras et le tablier laissassent un peu à désirer ; elle sortait de la cuisine, pièce à l’ancienne mode, carrelée en briques rouges, mais égayée par le reflet d’une belle flambée. Je crus voir un tableau flamand, lorsque j’y jetai un coup d’œil par la porte ouverte : les plus pittoresques amas de pains et de provisions diverses apparaissaient sur une planche au-dessus de la cheminée, et l’aspect des lieux avait dans son admirable confort, une apparence des plus hospitalières.

« — Oh ! me dis-je en moi-même, combien le vent du Nord qui siffle sur ces incultes collines et l’odeur de ce pain de ménage sont préférables au son des cloches de Saint Dunstan et aux graisseuses côtelettes de Londres.

« Mon cœur s’échauffait en l’honneur du comté d’York