Aller au contenu

Page:Braddon - Les Oiseaux de proie, 1874, tome II.djvu/15

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
11
LES OISEAUX DE PROIE

sais que les hommes de cette espèce sont toujours disposés à recourir aux Abimelech et aux Jedediah de la Bible, uniquement, je crois, parce que ces noms ont quelque chose de ronflant qui attire les saltimbanques.

« Pendant que j’étais en train de me retirer fort tranquillement, car je n’avais aucune crainte du tisonnier clérical, mes yeux s’arrêtèrent sur une petite table couverte d’un tapis de différentes couleurs et sur laquelle étaient posés quelques-uns de ces livres à reliure brune qui sont comme la preuve de l’humble piété de leurs possesseurs. Au beau milieu des livres apparaissait quelque chose d’extraordinaire : un gant !… un gant d’homme en peau de chevreau de couleur pâle ; ce gant était petit et avait certainement été nettoyé. Tel aurait pu être le gant d’un Brummel en exil ; mais jamais la patte carrée d’un Goodge n’eût pu s’y glisser. Imaginez plutôt une collerette de point d’Alençon ou de Chesterfield au cou de John Wesley.

« Au moment même, une idée qui ne m’a pas quitté depuis me vint à l’esprit : ce gant devait appartenir à mon respectable patron Horatio, et ce devait être pour lui que des lettres avaient été retirées du paquet ; il avait dû voir Jonas ce jour même, et l’avait payé pour qu’il me trompât.

« Et alors j’en revins à me poser de nouveau cette question. Est-il possible que le capitaine ait pu avoir aucune connaissance de mon affaire ? Qui aurait pu lui en parler ? Qui aurait pu trahir un secret qui n’est connu que de George et de moi ?

« Après tout, n’y a-t-il pas d’autres personnes que Paget qui portent des gants de chevreau nettoyés ? Mais, je savais que c’était l’habitude du capitaine d’oublier un de ses gants, et c’est le souvenir de cette cir-