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Page:Braddon - Les Oiseaux de proie, 1874, tome II.djvu/154

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LES OISEAUX DE PROIE

Joseph Mercer. Maintenant, parlons d’autre chose, s’il vous plaît, mon garçon ; ce sujet ne m’est pas agréable.

« À la suite de cela, je ne pouvais douter plus longtemps que quelque sombre histoire ne fût contenue dans les deux versets de l’Évangile.

« L’oncle Joé fut quelque temps avant de reprendre ses joviales et bruyantes façons et on ne fit pas le whist ce soir-là. Je souhaitai le bonsoir à mes amis un peu plus tôt qu’à l’ordinaire et me retirai après avoir obtenu de prendre un calque de la feuille, aussitôt que je le pourrais.

« Cette nuit le ciel étoilé et la lande me parurent avoir perdu leur pouvoir calmant. Une nouvelle fièvre s’était emparée de mon esprit. Le plan d’avenir que je m’étais fait en moi-même se trouvait subitement brisé. La Charlotte de ce soir, héritière légale d’une fortune immense, sous la tutelle de la Chancellerie, réclamant contre la Couronne, était une tout autre fiancée que la jeune fille sans appui, sans personne, en exceptant toutefois l’humble particulier qui écrit ces lignes, pour la faire valoir, et très-peu d’êtres à aimer.

« J’avais tant espéré la nuit précédente, que cette nuit l’espoir m’avait abandonné. Il semblait que la main d’un Titan eût creusé une fosse profonde entre moi et la femme que j’aimais… une tombe.

« Philippe aurait peut-être pu consentir à me donner la main de sa belle-fille sans argent ; mais voudrait-il m’accorder sa belle-fille avec une fortune de cent mille livres ? Je connaissais trop bien le caractère de Sheldon pour entretenir une aussi folle illusion. Le seul beau rêve de ma vie désordonnée s’était évanoui à l’heure même où j’avais découvert les droits de mon adorée à l’héritage des Haygarth. Mais je ne veux pas jeter l’épée