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Page:Braddon - Les Oiseaux de proie, 1874, tome II.djvu/155

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LES OISEAUX DE PROIE

avant que le combat soit terminé. Il sera temps de mourir lorsque je serai à bout de forces, écrasé sous les pieds de l’ennemi. Je veux vivre éclairé par les sourires de ma Charlotte aussi longtemps que je le pourrai ; puis, d’ailleurs, il ne faut jamais dire : Fontaine, je ne boirai pas de ton eau. Il n’y a pas de coupe si amère qu’un homme puisse se flatter de n’avoir pas à la vider jusqu’à la dernière goutte. Ce qui doit arriver arrivera, et en attendant, carpe diem, me voilà redevenu un enfant de Bohème !

« 5 novembre. — Après un jour de délai j’ai obtenu mon papier à calquer et j’ai pris deux copies des mentions inscrites sur la Bible.

« J’ai passé cette après-midi, près de ma chérie, ma dernière soirée dans le comté d’York. Demain je reverrai mon Sheldon et lui ferai part de l’étrange résultat de mes recherches. Entrera-t-il immédiatement en communication avec son frère ? Me relèvera-t-il de mon serment de discrétion ? Fera-t-on croire à Charlotte qu’elle est la plus proche parente du Révérend ab intestat ? Telles sont les questions que je m’adresse à moi-même pendant que, dans la solitude de ma chambre, à La Pie, j’écris mon infortuné rapport et que l’horloge du village jette ses trois coups solennels.

« Oh ! pourquoi le Révérend ab intestat n’a-t-il pas épousé sa femme de charge, fait un testament comme tout le monde, et laissé ma Charlotte suivre avec moi les obscurs sentiers d’une honnête pauvreté ? Je suis convaincu que j’aurais pu être honnête, que j’aurais pu être rangé, pour l’amour d’elle ; mais c’est le sort de l’homme de proposer et c’est le Ciel seul qui dispose. C’est vieux, cette histoire-là, mais c’est toujours vrai.