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Page:Braddon - Les Oiseaux de proie, 1874, tome II.djvu/183

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LES OISEAUX DE PROIE

terruption de l’aventure elle a fermé le livre et n’y a plus pensé. Oh ! que ne suis-je faite comme elle, pour oublier les jours que j’ai passés avec lui et les rêves qu’ils m’ont inspirés. »

Cette vision du passé revint à Diana, au milieu de son travail, et pendant quelques minutes, le bruit des perles cessa, tandis que les mains jointes elle attendait que ces ombres se fussent effacées. Bon rêve d’autrefois lui était revenu comme un tableau magnifique, et cependant elle ne s’était jamais vue dans une somptueuse villa italienne, lançant son faîte de marbre vers le ciel, mais simplement dans un pauvre logement du Strand avec un maigre balcon et une échappée sur la rivière ; un petit salon aéré, au troisième étage, dont les murs recouverts de papier frais seraient garnis de portraits gravés des écrivains préférés ; d’un côté, un bureau à pupitre ; de l’autre, une table à ouvrage ; l’abri, sans prétention d’un journaliste qui vit au jour le jour et dont la femme est appelée à faire chaque matin des miracles d’économie domestique.

C’était ainsi que Diana avait rêvé son Paradis, et cette vision lui semblait d’autant plus belle maintenant, qu’elle ne devait pas se réaliser.

Après être restée quelque temps assise, voulant parler, mais s’attendant à être interrogée, Charlotte se vit enfin obligée de rompre le silence la première.

« Vous ne me demandez pas si je me suis bien amusée, Diana, dit-elle, les yeux baissés sur le petit paquet de breloques et de clefs qu’elle tenait dans ses doigts inoccupés.

— Vraiment, ne l’ai-je pas fait ? répliqua languissamment Diana ; je croyais que c’était une de ces questions banales qui se font toujours toutes seules.