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Page:Braddon - Les Oiseaux de proie, 1874, tome II.djvu/184

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LES OISEAUX DE PROIE

— J’espère, Diana, que vous ne me feriez pas, à moi, des questions banales ?

— Non ; je ne le devrais certainement pas ; mais je crois qu’il y a des moments où l’on n’est plus soi-même, Charlotte ; oui, même avec ses meilleurs amis. Et vous êtes ma meilleure amie ; je pourrais aussi bien dire ma seule amie, ajouta en riant la jeune fille.

— Diana ! s’écria Charlotte d’un ton de reproche, pourquoi parlez-vous avec cette aigreur ? Vous savez que je vous aime tendrement. C’est la vérité. Il n’y a rien au monde que je ne sois prête à faire pour vous. Mais je ne suis pas seule à vous aimer ; il y a M. Haukehurst, que vous connaissez depuis si longtemps… »

La figure de Mlle Halliday était tout enflammée, et bien qu’elle se penchât très-bas pour examiner les colifichets dorés qui pendaient après sa chaîne de montre, elle ne put cacher sa rougeur à des yeux que la jalousie faisait clairvoyants.

« M. Haukehurst ! s’écria Diana, avec une expression indéfinissable de mépris, si j’étais sur le point de me noyer, croyez-vous qu’il me tendrait seulement la main ? Lorsqu’il vient dans cette maison, lui qui a connu tant de pauvreté et de honte, tant de bonheur aussi avec moi et les miens, croyez-vous qu’il se rappelle seulement que j’existe ? Pensez-vous qu’il s’arrête à considérer si je suis cette Diana, qui fut autrefois sa confidente, ou simplement un insignifiant personnage appelé à remplir un siège vacant dans votre salon ?

— Diana !

— C’est très-bien à vous, Charlotte, de me regarder d’un air de reproche ; mais vous devez savoir que je dis la vérité. Vous parlez d’amitié. Qu’est-ce que ce mot signifie, sinon qu’on pense à un autre, qu’on souffre