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Page:Braddon - Les Oiseaux de proie, 1874, tome II.djvu/188

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LES OISEAUX DE PROIE

sirs, aucun des triomphes qui font le bonheur des filles de mon âge ? Non ; je n’ai soupiré qu’après son amour. Vivre avec lui dans un logement garni, être assise près de lui pendant qu’il travaillerait, partager avec lui le labeur et la peine de la vie… tel a été mon rêve de bonheur en ce monde ; et c’est elle qui le détruit ! »

C’est ainsi que Diana discutait avec elle-même pendant qu’elle demeurait assise, les yeux fixés sur la belle créature qui lui avait occasionné la plus atroce des douleurs qu’une femme puisse causer à une autre femme. Ce cœur passionné qui ressentait si vivement les outrages de la réalité était porté au mal, ce jour-là. Le démon de la jalousie y avait enfoncé ses griffes acérées. Il n’était pas possible pour Diana de se sentir très-disposée envers celle dont l’innocente main avait jeté par terre la demeure enchantée de ses rêves. N’était-ce pas une chose épouvantable que cette gracieuse enfant que chacun était disposé à adorer eût justement choisi ce cœur pour le lui ravir ?

« Il en a toujours été ainsi, pensait Diana ; l’histoire de David et Nathan est une parabole qui sera sans cesse reproduite. David est très-riche, il possède d’incalculables quantités de brebis et de bêtes à cornes, mais il n’est satisfait qu’après avoir enlevé le petit agneau qui faisait la joie et le bonheur d’un pauvre homme.

— Diana, dit très-doucement Mlle Halliday, il est très-difficile de vous parler aujourd’hui, et j’ai tant de choses à vous dire.

— Au sujet de votre voyage ou au sujet de M. Haukehurst ?

— Au sujet… du comté d’York, répondit Charlotte de l’air d’une enfant qui a été admise au dessert et à laquelle on demande ce qu’elle aime le mieux, une poire ou une pêche.