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Page:Braddon - Les Oiseaux de proie, 1874, tome II.djvu/187

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LES OISEAUX DE PROIE

— Est-ce que la vie de Valentin, est-ce que la vie de votre père a été si mauvaise ? demanda Charlotte toute tremblante, en fixant sur Diana un regard inquiet.

— Oui, cette vie a été toute de bassesses et de faussetés… une vie de honte, d’artifices… je ne connais pas en détail les moyens qu’ont employés mon père et Valentin pour assurer leur existence de chaque jour… et la mienne, hélas ! mais je sais qu’ils ont fait du tort aux autres. Si le mal qui à été fait l’a toujours été en connaissance de cause, quant à Valentin, je ne saurais l’affirmer. Il est possible qu’il n’ait été que l’instrument de mon père. J’espère même qu’il en a été ainsi. »

Elle dit tout cela en paraissant rêver, comme exprimant tout haut ses pensées, plutôt que comme cherchant à éclairer Charlotte,

« Je suis sûre qu’il lui a servi d’instrument sans le savoir, s’écria la jeune fille avec un air de conviction, il n’est pas dans sa nature de rien faire de déshonnête.

— En vérité vous le connaissez très-bien, à ce qu’il paraît, » dit Diana.

Ah ! quelle tempête s’agitait à ce moment dans ce cœur fier et passionné ! Quelles luttes entre la puissance du bien et du mal ! Pitié affectueuse pour Charlotte, tendre compassion pour la jeunesse de sa rivale, en même temps que l’inexprimable sensation de sa propre désolation.

Elle l’avait aimé si tendrement et il lui était enlevé. Il fut un temps où lui-même l’avait presque aimée… presque ! C’était ce souvenir qui rendait pour elle l’épreuve si amère. La coupe s’était approchée de ses lèvres uniquement pour être brisée à jamais.

— Ai-je dans ma vie demandé autre chose que son amour ? se disait-elle. Ai-je jamais envié aucun des plai-