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Page:Braddon - Les Oiseaux de proie, 1874, tome II.djvu/201

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LES OISEAUX DE PROIE

mériter une pareille indulgence. Il courut toute la ville à la recherche de billets de spectacle, faisant la chasse aux membres des clubs littéraires, aux journalistes ou autres privilégiés. Il se mit en quête de tous les romans nouveaux, ceux qui pouvaient plaire à Georgy : il lisait Tennyson ou Owen Meredith, tandis que les dames étaient laborieusement occupées à la confection de leurs prie-dieu, tapisseries en laine de Berlin, couvre-pieds, etc.

Haukehurst se montra, dans la situation nouvelle qui lui était faite, plein de sentiments honorables pour ne pas dire délicats. La villa était son paradis et les portes lui en étaient maintenant ouvertes. Georgy était tout à fait de ces gens chez lesquels après avoir pris un pied, il est tout à fait facile d’en prendre quatre. Ayant une fois admis Valentin au rang de visiteur privilégié, il lui eût été fort difficile de mesurer le nombre de ses visites. Heureusement, pour cette matrone effarouchée, Charlotte et son amoureux avaient de bons sentiments. Haukehurst ne se présentait jamais à la villa plus d’une fois dans la même semaine, bien que le « une fois par semaine ou deux » demandé par Charlotte eût pu être interprété largement.

« Cela était fort bien, se disait-il à lui-même, lorsque je n’étais qu’un bohème admis par tolérance et que je pouvais, un beau matin, me voir fermer la porte au nez ; mais maintenant que je suis reçu, je dois me montrer digne de la confiance de ma future belle-mère. Une fois par semaine ! un jour sur sept d’inexprimable bonheur… d’un bonheur sans alliage ! Les six autres me paraîtront bien longs et bien tristes ; mais, bah ! ils ne seront que la monture sévère et sobre qui fera paraître d’autant plus resplendissant ce joyau du septième