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Page:Braddon - Les Oiseaux de proie, 1874, tome II.djvu/242

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LES OISEAUX DE PROIE

du capitaine. Comment parviendrait-il à mettre son frêle esquif à l’abri des atteintes de ce pirate éhonté ? Quel prétexte pourrait-il donner pour renoncer à sa participation au logis commun, et prendre ailleurs un appartement pour lui-même ?

« Ce serait d’une bonne politique de conserver mon digne ami sous mes yeux, se disait-il à lui-même, afin de pouvoir être sûr qu’il ne se passe rien de ténébreux entre lui et Sheldon. Mais je puis à peine croire que Sheldon ait un soupçon de la fortune des Haygarth. Si cela était, il ne m’eût certainement pas admis comme le fiancé de Charlotte. Quel a pu être son motif pour le faire ? »

Haukehurst s’était fréquemment adressé cette question, car sa confiance dans Sheldon n’était pas de la nature de celles qui dispensent des questions. Même alors qu’il éprouvait le plus grand besoin de croire à l’honnêteté des vues de ce gentleman, il ne pouvait s’empêcher d’être parfois troublé par une sorte d’effroi. Dans la période de temps qui s’était écoulée depuis son retour, il n’avait rien pu découvrir qui fût de nature à l’inquiéter dans les procédés du capitaine. Ce gentleman paraissait toujours occupé comme courtier d’affaires, quoique d’une manière moins productive que par le passé. Chaque jour il se rendait dans la Cité, d’où il revenait le soir très-fatigué de corps et d’esprit. Il parlait très-volontiers de ses occupations, disait s’il avait fait peu ou beaucoup dans la journée ; si bien qu’aucun nouveau motif n’était venu appuyer les soupçons qui s’étaient élevés dans l’esprit de Valentin, à la suite de la rencontre à Ullerton et du tour qui lui avait joué le tartufe Goodge, au sujet des lettres de Mme Rebecca Haygarth.