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Page:Braddon - Les Oiseaux de proie, 1874, tome II.djvu/243

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LES OISEAUX DE PROIE

Haukehurst se détermina, en conséquence, à trancher hardiment le lien qui le liait.

« Je suis fatigué d’être toujours aux aguets, de me méfier, se dit-il à lui-même. Si mon cher amour a droit à cette fortune, elle lui arrivera bien certainement, et, si elle ne doit jamais lui arriver, nous saurons très-bien vivre heureux sans cela. En vérité, pour ma part, je serais plus fier et plus content d’avoir épousé une femme sans dot que d’être le Prince-Consort de l’héritière des Haygarth. Dans nos projets d’avenir, nous avons bâti pour nous une si charmante, si gaie habitation que je me demande si nous serions disposés à l’échanger contre un palais. Ma chérie ne pourrait plus être ma femme de ménage et faire elle-même des gâteaux au citron dans sa jolie petite cuisine, si nous demeurions dans Belgrave, et comment pourrait-elle, dans le parc de Kensington, se tenir à l’une des grandes grilles en fer, pour me voir monter à cheval, lorsque le matin je m’en irais à mon travail ? »

Pour un homme aussi éperdument épris que Haukehurst, la vile poussière que les autres estiment si haut devient chaque jour plus indifférente ; les visions du véritable amant ne se forment que derrière un bandeau qui le porte à ne voir dans le brillant minerai qu’une chose vulgaire à laquelle des esprits bas peuvent seuls accorder quelque attention. Ce fut ainsi que Haukehurst abandonna ses soupçons à l’égard du capitaine et en vint à négliger son patron et allié au grand ennui de celui-ci, qui envoyait à chaque instant au jeune homme de petits billets de quatre lignes dans lesquels il le suppliait de venir le voir.

Les entrevues depuis quelque temps n’avaient été agréables ni pour l’un ni pour l’autre des deux associés.