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Page:Braddon - Les Oiseaux de proie, 1874, tome II.djvu/265

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LES OISEAUX DE PROIE

Après le lunch, les amoureux allèrent faire une promenade dans les jardins de Kensington, accompagnés, comme il convenait, par la pauvre Diana.

« Vous viendrez avec nous, n’est-ce pas, ma chère Diana ? lui avait demandé Charlotte. Vous êtes pâle et semblez souffrante depuis quelque temps, je suis sûre qu’une promenade vous fera du bien. »

Valentin avait appuyé la requête de sa souveraine et tous les trois passèrent une couple d’heures à se promener dans les petites allées des jardins, laissant les grandes avenues aux badauds qui les encombraient.

Cette promenade d’hiver fut une chose exquise pour deux des promeneurs ; pour le troisième, ce fut de la résignation. Les tortures qui avaient déchiré le cœur de Diana avaient cependant perdu de leur intensité. La piqûre du scorpion était moins âpre et moins venimeuse. Elle souffrait encore, mais ses souffrances étaient adoucies par la résignation. Il y a dans toutes les âmes une limite à ce qu’elles peuvent endurer de douloureux. Diana avait supporté sa part d’angoisses ; et, à ces peines cruelles, à ces tourments amers, avait succédé un sentiment passif de chagrin qui était presque du calme.

« Il est perdu pour moi, s’était-elle dit à elle-même, mais ce serait lâche de m’abandonner à mon chagrin, ce serait lâche de ne pas savoir être le témoin impassible du bonheur de mon amie. »

Mlle Paget n’était pas arrivée à cet état d’esprit sans une lutte sévère. Bien des fois, pendant ses mortelles insomnies, pendant ses longues et tristes journées, elle s’était dit à elle-même : du calme ! du calme ! Mais enfin, une paix réelle, le véritable baume Galiléen fut accordé à ses prières et cette âme accablée put goûter les douceurs du repos : elle avait combattu le démon et l’avait vaincu.