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adolphe brassard

crie : « Halte ! » Au lieu d’essayer de se cacher ou de fuir, l’homme fonce droit sur moi et avec une telle force qu’il s’embroche sur ma baïonnette jusqu’à la garde. Ah ! il en a son compte ! Et j’en éprouve une joie féroce. Et c’est les dents grinçantes que, pour retirer mon arme, je donne à l’Allemand un coup de botte à la poitrine qui le fait rouler à mes pieds. Il parvient à se retourner. Je le menace avec fureur. Il lève une main suppliante, et dit en un excellent français :

— Inutile, va. J’ai ce qu’il me faut pour mourir, et…

— Et, si tu avais pu, hein ? c’est moi qui serais étendu à ta place.

— À condition que tu eus été dans ma position. À demi aveugle des suites d’un coup reçu au cours d’un engage­ment, je ne t’ai pas vu tantôt.

Tout en prêtant attention à cette voix pâteuse, je ne perds pas de vue les alentours de crainte d’autres surprises. Mais aucun bruit ne se produit, tout est