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adolphe brassard

le tir de vos canons et nous pulvériser en rigolant, hein ?

J’écume ; et ce qui me retient de clouer cet homme au sol à coups de baïonnette, c’est la certitude que je puis en retirer des renseignements utiles.

— Eh bien, parle !

— Je ne suis pas un espion.

— Il est inutile de mentir.

— Donne-moi à boire.

— Quand tu m’auras dit ce qui se prépare en face.

— Je n’en sais rien.

Je prends ma gourde et fait couler devant ses yeux un filet de l’eau qu’elle contient. Cette cruauté raffinée me délecte quand je le vois entr’ouvrir ses lèvres sèches et les tendre vers l’eau qui dégoutte. Mais une voix intérieure vient me foudroyer : « Est-ce là le code de l’honneur et de la chevalerie ? Tu représentes la civilisation, que fais-tu de la charité ? Si tu continues le supplice, c’est toi le barbare ».