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Page:Brassard - Les Mémoires d'un soldat inconnu.pdf/94

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adolphe brassard

sol plein, lui, de la vie des végétations. J’en prends possession ; et cette vie de toutes les plantes monte en moi et rafraîchit la sève de ma vie qui se met à circuler abondante. Jamais je n’ai autant aimé, tenu à la vie. Il faut que je le dise, et je m’adresse au premier troupier rencontré. Il faut qu’il sache que j’aime la vie. Je demande :

— C’est aujourd’hui jeudi, n’est-ce pas ?

— Mais oui.

Je suis content que ce soit jeudi. C’est la plus belle journée qui soit. L’air et le soleil s’offrent abondants, et ça goûte bon ! J’ai l’impression que des étoiles de neige me fondent dans la bouche et en chassent la fièvre. Tous mes sens sont à la surface de mon être et se laissent flatter par le vent qui passe, par le parfum de la fleur qui s’ouvre exprès pour moi sous mes pas, par le nuage qui s’effrite de mauve. J’étreins la vie avec passion. C’est mon bien et je veux en jouir comme d’un trésor dont