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— Finis donc de radoter coupa Joachim impatient, tu m’as fait perdre le fil de mes additions.

C’est que pendant que Gilberte disait son admiration sur le paysage poétique, lui, le vieux, calculait la valeur en argent sonnant de ses récoltes. Ayant retrouvé ses chiffres, mentalement, il les mit en colonne et le grand total représentant son revenu, lui arracha un nouveau « hé, hé, » de plaisir et de bonne humeur.

Gilberte voyant les dispositions joyeuses de son oncle, risqua :

— Vous semblez satisfait, mon oncle ?

— Oui, je compte que ma récolte va me rapporter de bons bénéfices, cette année.

— Remerciez-en le bon Dieu.

— Le bon Dieu, hé, Il s’occupe de ses « affaires, moi des miennes : ce n’est pas Lui qui laboure et qui sème, hein ?

— Non, mais Il vous protège. S’Il cessait de s’occuper de vous…

— Il me rendrait mon change, je ne m’occupe pas de Lui.

— Oncle Joachim, s’écria Gilberte, c’est affreux ce que vous venez de dire là !… La religion nous enseigne…

— Allons toi, vas-tu recommencer à me sermonner ? Je ne veux pas de tes sornettes ; je te l’ai déjà dit.

— Mais mon oncle…

— Assez.

Plus d’une fois, Gilberte avait essayé de ramener son oncle à la pratique de sa religion, mais toujours ses efforts restaient infructueux.