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LA VIE DE FAMILLE

moi-même. Il faut être robuste quand on est étrangère dans ce pays et hôte des Américains.

Avant-hier madame Laurence (qui représente parfaitement la surbondance de vie juvénile de habitants du Nouveau-Monde) vint nous prendre, mademoiselle Lynch et moi, pour nous conduire à sa villa sur l’Hudson. Nous fîmes visite à une femme riche qui « reçoit le matin, » puis à une quakeresse de quatre-vingt-quatre ans, la plus jolie petite vieille que j’aie jamais vue ; avec ses fins et blancs vêtements de quakeresse et son voile, elle m’a paru être un jour de fête vivant. J’ai dessiné sa tête dans mon album, à la grande satisfaction de madame Laurence, qui engageait tout le monde à regarder tantôt mon modèle, tantôt ma personne. Ensuite nous allâmes voir une vaste maison de fous appelée Blumingdale. J’ai été heureuse ici des soins pleins d’amour qu’on donne aux aliénés ; ces infortunés sont traités comme des enfants dans leur famille. On entendait de la musique dans plusieurs chambres (l’établissement contient une foule de pianos), les fous aimant beaucoup, dit-on, à faire de la musique. Hors de la maison, ils cultivent des fleurs et font des plantations dans les jardins ; dans l’intérieur, les femmes confectionnent des fleurs artificielles. Il y a aussi à Blumingdale un musée de minéraux, de coquillages, d’oiseaux et autres animaux empaillés, une bibliothèque, des objets calculés de manière à éveiller l’intérêt des malades, à les distraire de la contemplation de leur état. Le parc qui entoure la maison est vaste, joli ; les malades peuvent se promener dans ses nombreuses allées sans être troublés, jouir de la beauté de la campagne et se reposer sous les arbres. On trouve partout ici un véritable luxe de fleurs, des objets agréables, excepté, bien entendu, les pauvres fous. Cepen-