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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

moins des discours, des cadeaux au marié, à la mariée, on boit des santés, et le ménétrier joue un morceau à l’entrée de chaque plat ; mais ici, rien, excepté les mets. Et les dîners en Danemark, je ne puis m’empêcher d’y penser, — avec leur petit nombre de plats, mais bons, leurs convives joyeux, qui criaient parfois trop haut, il est vrai, excités qu’ils étaient par leur ardeur de parler, de se faire entendre : les plaisanteries, les histoires, les santés, les discours et ce laisser-aller jovial et frais qui distingue la vie de société danoise ; — en vérité, il y avait du champagne, du champagne pour l’âme et le corps dans ces festins, les derniers auxquels j’ai assisté en Europe avant de venir ici. Mais les grands dîners de ce pays font incontestablement partie de l’enfer dont parle Heiberg, dans « une Ame après la mort, » et qu’on appelle l’ennuyeux. On devrait en faire mention dans les litanies. À un grand dîner, l’autre jour, le sort s’est montré élément envers moi en plaçant à mon côté l’aimable ecclésiastique M. Hawk. Pendant le dîner, il a développé avec son beau son de voix, sa manière claire et récréative, ses idées sur les ruines de l’Amérique centrale, ses hypothèses sur l’ancienne jonction de l’Amérique avec l’Asie. Ce qu’il disait était du plus grand intérêt. J’aimerais voir et entendre plus souvent M. Hawk, dont la nature et les manières me plaisent. Il fait partie des personnes qui m’ont offert ici leur maison, leur foyer, et que j’ai été obligée de refuser. Je sens que c’est une perte et une privation.

Lorsqu’il me donna la main pour sortir de table, je lui demandai de prêcher contre de pareils dîners. Mais il secoua la tête, et dit en souriant : « Non pas contre les dîners, mademoiselle. Décidément les hommes, même les meilleurs, aiment trop à manger. »