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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

sez d’espace, de fleurs, d’air ; les costumes des fonctionnaires me manquent surtout. Les femmes sont jolies, s’habillent bien, avec goût, mais trop uniformément. Les hommes sont tous vêtus de même, et cela ne peut pas être autrement. C’est bon et bien au fond, mais l’effet pittoresque en souffre. Il me semble aussi que l’individualité intellectuelle n’est pas assez marquée pour se passer du signe extérieur. On y viendra plus tard.

À l’Opéra j’ai vu une grande et belle salle, de jolies toilettes dans les loges, et sur la scène une prima donna (représentant Desdemona) sur le compte de laquelle je n’ai rien à dire, sinon qu’elle avait tort d’aimer un Othello aussi laid. L’orchestre, les chanteurs, la scène, le tout était passablement bon (excepté Othello), rien de très-bien. On avait envie de dire : « Ce n’est que cela, » et on ne pensait pas : « C’est cela, » comme pour une note, un regard, un geste de Jenny Lind.

Il y a eu dimanche dernier, dans la salle où j’ai entendu Channing, un discours sur le « socialisme chrétien, » prononcé par M. Henry James, homme riche et bon, à ce que l’on dit. Sa doctrine ne reconnaît d’autre droit que celui de l’attraction spontanée, pas de grandeur d’âme, sinon celle de la force ; pas de loi du devoir, sinon l’adoration du beau par l’artiste ; point de Dieu, mais le panthéisme en tout et nulle part : — doctrine en faveur de laquelle nous n’avons pas non plus manqué de prédicateurs en Suède. Après ce discours, improvisé avec une animation entraînante et un esprit petillant, Channing se leva et dit que, « si la doctrine qu’on venait d’émettre était du socialisme chrétien, il ne voulait pas l’accepter ; que, ce sujet ayant besoin d’être examiné à fond, et l’orateur lui paraissant dans l’erreur, il reprendrait cette question le dimanche