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V

m’accueillit le premier sur le sol du Nouveau-Monde, me reçut le premier dans sa maison, que j’aimais à appeler « mon frère Américain, » et qui, par le charme de son amitié, la direction de son coup d’œil lucide, a embelli au delà de toute expression ma vie dans le Nouveau-Monde. Son image sera éternellement unie dans mon âme à la vie juvénile, aux scènes, aux montagnes, à la rivière magnifique sur les bords de laquelle il a construit sa belle demeure et repose maintenant — dans sa tombe. Mais non, ce n’est pas seulement uni à ces images qu’il vit en moi, le temps et l’espace ne peuvent contenir une individualité comme la sienne. Aujourd’hui comme hier et dans l’éternité, je verrai son regard, j’entendrai sa voix, ses paroles, car elles font partie de tout ce qu’il y a de beau et de noble dans le grand empire de la création. Ses paroles me dirigent en Suède comme elles l’ont fait en Amérique. J’aime à me rappeler chacune d’elles. « Vous le saurez quand vous serez chez vous ! » répondait-il a mainte question encore obscure pour moi lorsque je quittai l’Amérique.

La pensée de publier les lettres que j’avais écrites à ma famille comme elles étaient sorties de ma plume, ou du moins à peu près, me vint plusieurs mois seulement après mon retour, lorsque, découragée et d’une main presque mécontente, j’ouvris ces lettres adressées a une sœur qui ne se trouvait plus sur la terre. Leur animation, je l’avoue, me ranima, fit battre mon cœur comme lorsque je les écrivis, et je fus obligée de me dire à moi-même : « Ces enfants du moment et d’un chaud sentiment sont, malgré tous leurs défauts, l’expression la plus pure de cette vérité que mes amis ont réclamée de moi et que ne pourrait conserver ce que j’écrirais à tête reposée et à main froide. »