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LA VIE DE FAMILLE

Je regardai d’heure en heure ce spectacle en croyant rêver, et vis plutôt que je me compris sa beauté ; car le mouvement et le bruit des wagons courant sur la voie ferrée agit sur moi d’une manière fatigante et m’assourdit. Nous arrivâmes assez tard à Worcester, où nous étions invités chez le maire ; il tenait en notre honneur maison ouverte ce soir-là. Sitôt arrivés, il nous fallut faire toilette et nous montrer à cette compagnie. Comme il y avait dans la ville une grande assemblée de maîtres et de maîtresses d’écoles du district, la foule était telle, qu’on pouvait à peine se mouvoir dans l’appartement, et mon hôte lui-même ignorait le nom de beaucoup de personnes qu’il me présentait. Cela m’était indifférent, puisque je saisis et me souviens fort rarement des noms étrangers. Chacun me donnait une poignée de main amicale. Nous eûmes aussi des chants affectueux de bienvenue et des bouquets offerts par de jolies jeunes filles et des jeunes gens. Je leur jouai la Polonaise de Necken, et Rebecca racontait, à ma place, la légende dont le sens profond frappe toujours les esprits. C’est, en outre, un bon représentant de la poésie scandinave naturelle.

Parmi les invités se trouvait le célèbre forgeron et philologue Elihu Burrit : il est de grande taille et fortement membré, a un front d’une élévation peu ordinaire, de grands et jolis yeux, et, en général, des traits forts mais agréables ; dans n’importe quelle société il exciterait l’attention par sa taille ainsi que par l’expression pleine de douceur et de philanthropie de son visage. Il venait d’arriver d’un congrès de la paix tenu, je crois, à Paris, et parla en faveur du principe de la paix, dont beaucoup de gens parlent et s’occupent dans ce pays des plus anciens pèlerins. Je me déclarai amie de la guerre, d’une bonne et