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LA VIE DE FAMILLE

La matinée du jour suivant fut employée en visites dans quelques maisons appartenant à des quakers ; toutes se distinguaient par l’ordre et la propreté, mais aussi, à ce qu’il me parut, par quelque chose de guindé et de vide qui m’aurait oppressée. Nous continuâmes ensuite notre voyage vers Oxbridge, où nous devions célébrer la fête des Actions de grâces et loger chez de nouveaux mariés, un médecin et sa femme, nièce de Marcus. Ils avaient construit leur maison d’après l’un des dessins de Downing et créé leur jardin suivant ses indications ; ils y vivaient seuls, sans domestique, la jeune femme s’étant chargée de tout dans l’intérieur du logis. Il paraît que ceci est très fréquent dans les petits ménages des États de la Nouvelle-Angleterre, par motif d’économie et aussi par la difficulté de trouver de bons domestiques. Je passai la nuit dans une petite chambre à coucher, froide, comme c’est l’usage ici ; la nuit l’étant également, je fus glacée au point de ne pouvoir fermer l’œil un instant. Durant cette longue insomnie, je fus visitée par quelques doutes peu joyeux sur la manière dont je résisterais, à la longue, à ce genre de vie auquel je suis si peu habituée. Mais lorsque le soleil, en se levant, brilla sur une petite église blanche dont le clocher pointu s’élançait au-dessus d’un bois de sapins en face de ma fenêtre ; quand toute la campagne resplendit avec quelque chose de si frais, de si septentrional, de tellement suédois, que mon cœur s’en réchauffa ; je saluai le jour des Actions de grâces avec beaucoup de reconnaissance. Toute cette contrée, éclairée par le soleil du matin, ressemblait, en vérité, avec ses montagnes et ses vallées, aux environs de notre Orsta ; et je songeai aux matines de Noël dans notre église bien éclairée, à la forêt de sapins, aux chaumières illuminées, aux paysans, aux traîneaux,