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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

conta l’histoire de la ci-devant esclave, parla sur l’esclavage pendant quelque temps avec une complète assurance, netteté et dignité dans le ton et les manières. Mais, au lieu de s’appuyer sur la connaissance féminine de la vie, d’appeler l’intérêt sur l’injustice que l’esclavage commet à l’égard de la femme, en lui enlevant la propriété de ses enfants pour en faire celle du maître, qui peut les vendre comme bon lui semble ; au lieu d’insister sur ceci et plusieurs circonstances également propres à émouvoir la droiture et le cœur, et qui frappent surtout la femme esclave, mademoiselle Lucy se lança dans la polémique, déjà tant calfatrée dans les journaux, contre les défenseurs de l’esclavage dans le Nord, contre Daniel Webster et son zèle ardent pour la liberté des Hongrois, tandis qu’il voit avec indifférence trois millions d’individus en Amérique plongés dans l’esclavage. Elle répéta ce que des hommes avaient déjà dit, mieux et avec plus de force, et échoua complétement comme orateur féminin. Quand les femmes comprendront-elles que, pour occuper dignement une place dans le forum, elles doivent s’y présenter avec la noblesse et l’autorité de personnes qui ont réellement de nouvelles, de hautes vérités à proclamer, et rester dans le centre de la sphère des femmes ! Toute la courtoisie et la bienveillance des hommes ne suffiront pas, à la longue, pour les maintenir à la tribune, si elles ne l’occupent pas d’une manière spéciale, qualité qui ne leur manque pas au fond, pourvu qu’elles veuillent l’avoir ; mais il faut pour cela qu’elles se comprennent, ainsi que la vie, plus profondément. Les femmes qui, à toutes les époques, se sont présentées comme prêtresses de la vie intime, comme prophétesses et interprètes de ce qu’il y a de plus élevé et de plus saint ; qui ont été écoutées des peuples et des rois, Débo-