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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

Parsens m’a accompagnée. La petite Rose, couchée dans sa bière, était encore jolie, quoique bien vieillie. Son père assis à sa tête pleurait comme un enfant ; Marie pleurait aussi avec infiniment de douceur et de beauté, et je pleurai avec eux, comme tu le penses bien. Ces jeunes époux peuvent répandre des larmes sans amertume, car ils sont deux et ne font qu’un pour l’affection. Ils s’appuieront l’un sur l’autre, se consoleront mutuellement ; mais comme ils ont beaucoup de tendresse de cœur, le chagrin mord profondément sur eux.

J’ai dîné chez le professeur Parsens ; j’étais affligée, mal en train, nullement aimable : c’est pourquoi je me suis pour ainsi dire arrachée à la société du soir pour retourner chez moi. Si on savait combien ce malaise nerveux me fait souffrir, on me pardonnerait une apparente froideur ; elle n’est pas dans ma volonté ni dans mon cœur. Je me suis reposée le soir en écoutant la lecture mélodieuse de Vickers.

Un aimable jeune homme, mon compatriote, M. Wachenfelt, m’a mené voir la célèbre manufacture de Lowell ; il y est établi depuis plusieurs années. J’aurais voulu remettre cette course, car il faisait froid, et je n’étais pas bien ; mais on avait invité du monde à mon intention préparé un festin ; il a donc fallu partir, et je ne m’en suis pas repentie. Par cette soirée étoilée, ce froid de neige, et de la colline de Drewcott, les bâtiments de la manufacture de Lowell formaient un demi-cercle resplendissant de lumières (on aurait dit un château magique), et m’offrirent un coup d’œil splendide sur cette terre couverte de neige. Ensuite, quand on pense, quand on sait que ces clartés ne sont pas des feux follets, un ornement, mais les symboles réels d’une vie animée, remplie d’es-