session de tous ses sens avec le pouvoir de conquérir la vie dans toutes ses variétés et sa plénitude ; Laura exclue de la vie, ses plus nobles sens morts, sans vue, sans ouïe, sans paroles !… Et cependant Laura était peut-être la plus heureuse des deux, du moins dans sa manière de comprendre l’existence ; elle le fit connaître vivement quand on l’interrogea. Fanny Kemble pleura, pleura amèrement ; était-ce sur Laura, sur elle-même, ou seulement sur le contraste qu’il y avait entre elles ? — J’allai une couple de fois vers Fanny pour la décider à prendre des rafraîchissements ; mais elle se bornait à répondre : « Tout à l’heure, » et continuait à regarder Laura et à pleurer. Plus tard elle se calma, et nous eûmes avec les Lowell un moment de conversation animée et amusante.
Fanny Kemble a été mariée à un riche Américain, propriétaire d’esclaves, M. Butler. Elle est divorcée d’avec lui. Ce mariage et ses suites paraissent avoir répandu l’amertume sur sa vie, surtout parce qu’ils l’ont séparée de ses deux enfants. Je l’ai entendue se plaindre à ce sujet d’une manière déchirante, et ne comprends pas comment l’esprit social américain, d’ordinaire si favorable à la femme et à la mère, peut permettre une pareille injustice, lorsque la cause qui a amené le divorce provient du mari. Séparer une mère de ses enfants ! cela ne devrait jamais avoir lieu, à moins que cette mère n’ait manqué ouvertement à son devoir ou renoncé à ses droits. Dans cette tragédie matrimoniale, les deux personnages principaux ont chacun leurs amis et leurs partisans ; mais la voix publique paraît être pour la femme. Je crois volontiers que Fanny n’est pas une épouse soumise ; mais pourquoi M. Butler a-t-il recherché sa main avec tant de persévérance, connaissant son antipathie pour l’esclavage ? Elle est trop vraie pour le