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LA VIE DE FAMILLE

l’âme ne peut les suivre, c’est alors un bavardage de livres. Dans les églises unitaires, le prédicateur récite au nom de l’auditoire une prière très-longue qui a l’inconvénient de dire beaucoup trop de choses en trop de paroles, sans exprimer cependant ce que chacun a besoin de dire. Combien de fois j’ai pensé durant cette longue prière où les répétitions sont si fréquentes, qu’elle serait plus parfaite si le prêtre se bornait à dire : « Seigneur, venez à notre aide. » Le meilleur de tout serait, comme Jean-Paul le propose, que le prêtre se bornât à ce mot : « Prions ! » Alors commencerait une belle et suave musique durant laquelle chacun prierait en silence d’après les besoins et les inspirations de son âme. La prière s’élèverait assurément plus pure et plus fervente qu’elle ne pourra jamais le faire, prononcée par des langues humaines et suivant des formules données.

Il faut te dire quelques mots encore sur Henry Beecher, qui s’est frayé un sentier vers une véritable doctrine de grâce, — de grâce pour tous. Il est venu chez moi hier au soir, et m’a raconté qu’étant missionnaire dans l’Ouest il a prêché en plein air devant le peuple du désert. Durant de longues courses solitaires dans la grande nature primitive, et en faisant journellement l’expérience des parties les plus actives du christianisme sur les âmes humaines saines, il s’était fait insensiblement un monde intérieur à lui et était sorti de la vieille Église pour entrer dans une autre plus vaste, plus lumineuse. Il décrit aussi de la manière la plus pittoresque les « camps religieux » de nuit dans l’Ouest, les scènes de baptême près des fleuves et des rivières, avec ce qu’ils ont de poétique, et souvent aussi de comique. Il y a dans ce jeune homme quelque chose de la grandeur et de la force des plantes du Grand-Ouest, mais aussi de sa