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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

tellement dépourvu d’âme, qu’il manqua son effet sur l’assemblée, car le prédicateur ne paraissait pas croire ce qu’il disait et prêchait. On entendit bien quelques exclamations, des soupirs ; quelques pécheurs s’avancèrent, mais le reste des auditeurs resta calme et ne fut pas ému par les foudres du jugement dernier. Comme auparavant, les hymnes étaient ferventes et belles dans le camp des noirs. Les nègres paraissent fort accessibles aux plus beaux préceptes religieux et savent surtout fort bien les appliquer. Leurs facultés musicales sont remarquables. La plupart ont des voix pures et chantent aussi facilement que d’autres parlent.

Après cet office arriva le dîner, et dans l’intervalle je visitai plusieurs tentes dans le camp des noirs ; les tables étaient couvertes de viandes de toutes espèces, de puddings, de tartes ; il y avait surabondance de mets et de boissons. Plusieurs tentes aussi étaient ornées comme des chambres, avec des lits dressés, des glaces, etc., etc.

Les nègres paraissaient gais, contents et pacifiques. Ces « camps religieux » sont les saturnales des noirs. Pendant leur durée, ils se laissent aller à leur gloutonnerie naturelle sous le rapport du corps et de l’âme. On dit que, dans ces derniers temps, ces assemblées ont beaucoup gagné en fait de tenue morale, et les maîtres permettent à leurs esclaves d’y assister, soit comme partie de plaisir, soit parce que souvent il en résulte beaucoup de bien ; je n’y ai rien remarqué de blessant ou d’inconvenant, excepté, si on le veut, les extases convulsives. J’en ai causé avec le directeur de l’assemblée, M. Martin, prêtre méthodiste estimable et bon ; il les désapprouve, ainsi que je l’avais déjà ouï dire : « Mais ces violentes expressions, dit-il, semblent faire partie de la nature impulsive nègre, et ces soudaines