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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

habitants d’Astorhouse et de New-York, sinon ils en auraient fini de moi dès le début. J’étais si fatiguée du travail de la première journée qui s’est prolongé jusqu’à une heure de la nuit, j’avais tellement besoin de repos et de sommeil, qu’il me parut impossible de pouvoir partir de New-York le lendemain à cinq heures du matin. Je le dis à M. Downing ; il me répliqua avec beaucoup de douceur et de fermeté ; « Il faudra essayer. » — Ces Américains, pensai-je, croient donc que tout est possible ? — mais je ne tardai point à sentir que la chose était des plus faisables. À quatre heures et demie, le lendemain, j’étais habillée et prête. J’embrassai la pâle fille du Sud, qui, au dernier moment, serra autour de mon cou un petit fichu de soie, doux et blanc comme elle ; puis je me hâtai de descendre pour me soumettre à la tyrannie de M. Downing. La voiture était à la porte, et j’y trouvai mademoiselle Lynch que M. Downing avait invitée à passer le dimanche avec nous.

« En avant ! Nouveau-Monde ! » cria le concierge de l’hôtel à notre cocher ; et nous roulâmes par Broadway vers le port, où le grand bateau à vapeur le Nouveau-Monde nous prit à bord. C’était un petit palais flottant fort joli, blanc et or à l’extérieur, grands salons bien clairs, meubles splendides sur lesquels voyageurs et voyageuses se reposaient commodément en causant ou en lisant des journaux. Je n’y ai vu aucun des hommes fumant et crachant de Dickens. Notre marche était noble et paisible en remontant le large et magnifique Hudson ; malheureusement la journée fut un peu menaçante sous le rapport de la pluie, car ce voyage était du reste des plus agréables qu’on puisse imaginer, surtout lorsqu’au bout d’une couple d’heures nous atteignîmes les contrées hautes. Le rivage avec ses montagnes hardies couvertes de bois et ses bancs me