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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

montagneuse de cet État. Après avoir promis de revenir, je me suis séparée de mes hôtes, très-reconnaissante de mon séjour dans leur maison et à Augusta, où j’avais amassé un or préférable à celui de la Californie. M. Bones m’a accompagnée sur l’autre bord de la rivière jusqu’à l’endroit où j’ai trouvé la voie ferrée.

En allant de ce côté, nous passâmes par la foire aux esclaves au moment où l’on promenait sur la place quarante à cinquante jeunes individus des deux sexes en attendant des acheteurs. Ils chantaient, paraissaient gais et sans réflexions. À ma demande, nous nous arrêtâmes et descendîmes de voiture. Les jeunes esclaves qu’on voulait vendre étaient âgés de douze à vingt ans ; il s’y trouvait aussi un petit garçon de cinq ans tout seul, et qui se pressait contre le gardien des esclaves. Le pauvre petit ! où étaient sa mère, sa sœur, son frère ? Plusieurs de ces esclaves étaient mulâtres clair ; il s’y trouvait des jeunes filles fort jolies. L’une d’elles, âgée de douze ans, était si blanche que je l’aurais crue de cette race ; ses traits aussi étaient ceux des blancs. Le gardien nous dit que, la veille, une jeune fille plus blanche et plus jolie encore avait été vendue quinze cents dollars. Ces enfants blancs de l’esclavage deviennent, la plupart, des victimes du vice et tombent dans le plus profond avilissement. Encore une fois, quel paganisme dans un pays chrétien ! Presque tous ces jeunes esclaves étaient de la Virginie, qui, n’ayant guère de travail, vend les enfants de ses esclaves dans le Sud. On me fit observer que ceux-ci avaient un air gai et sans souci. « Leur état est d’autant plus affligeant, pensai-je. Le plus profond degré de l’avilissement c’est de ne pas le sentir. »

En détournant mon regard de cette tache honteuse du