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LA VIE DE FAMILLE

au-dessus de tous les lieux où les hommes bâtissent, où les animaux respirent, où les végétaux s’élancent vers la lumière ; et je cherche involontairement à grouper et à réunir ces diverses formes pour en faire des constellations harmonieuses gravitant autour d’un soleil central qui les éclaire toutes. Mais ce ne sont encore que des pressentiments de mon âme, et j’apprendrai peut-être à les expliquer dans ma patrie.

Je ne te parlerai pas des mystères de Charleston, ne les connaissant que par ouï-dire, et je ne m’occupe pas de ce que j’apprends de la sorte. De sombres mystères, et plus nombreux que la renommée ne saurait en colporter, doivent naturellement exister dans une grande ville où l’esclavage est domicilié. J’ai entendu dire qu’il y a dans Charleston un établissement du fouet pour les esclaves, et dont l’État tire un revenu annuel de plus de dix mille dollars. Quiconque veut que son esclave soit puni par le fouet l’envoie dans cette maison et paye. On me l’a dit maintes fois, et je crois que c’est vrai. Ma position ici rend difficile et presque impossible pour moi de faire des recherches sur pareille matière.

Je ne t’écrirai plus de cette ville, mais de l’un des États du Nord. J’aspire à trouver un air plus frais, un peuple plus libre. Il faut souvent ici comprimer ses pensées les plus intimes, se taire, si on veut éviter de blesser ou d’entamer une dispute. Et cette chaleur qui dure sans interruption jusqu’en octobre !… J’aimerais mieux habiter le cap Nord et faire du feu avec des pins les deux tiers de l’année.

Et cependant, beau Sud, florissant jardin de l’Amérique du Nord, tu m’as réchauffée, rafraîchie délicieusement. Adieu à tes terrasses couvertes de festons de lianes qui cachent de pâles beautés ! Adieu, forêts primitives odoriférantes, rivières