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LA VIE DE FAMILLE

cependant plus de vie poétique qu’on ne le pressent en Europe), j’ai déjà « in petto » vécu et écrit d’une manière plus romantique que je ne l’ai fait depuis bien des années, et il est probable que je continuerai de même pendant mon séjour ici.

Quand je me suis aperçue qu’à partir de mon réveil, le matin, je m’occupais dans mon atelier le plus intérieur, non pas d’affaires et de questions américaines, mais de mes propres créations d’idées, sous l’influence des impressions que me donnaient mon nouvel entourage, mes nouveaux rapports, alors j’ai renoncé à la pensée d’essayer un autre travail, et m’en tiens à celui que Dieu m’a imposé. Je dois chercher également ici à faire fructifier mon talent, à suivre ma vocation en laissant les événements et les choses agir sur moi comme bon leur semble. Je cultiverai donc comme par le passé le monde de la vie privée, en y faisant pénétrer le grand air du Nouveau-Monde, de la vie universelle, et en lui donnant plus de substance. Je voudrais que ce fût toujours ainsi ; j’y parviendrai mieux à l’avenir. Je pressens depuis longtemps le roman de la vie dans sa grandeur, son intimité infinie, et n’oublierai jamais le moment où commença à poindre devant moi la première vision d’un monde glorifié. Aurora céleste, elle a été, elle est et restera éternellement le point lumineux de ma vie. J’en ai l’obligation à la Suède. Mais des nuages l’obscurcirent pendant un moment ; je ne la voyais pas avec netteté, ou plutôt son impression ne se présentait plus à moi avec sa première beauté. Maintenant je la vois de nouveau, et, j’en ai le pressentiment, je serai redevable de son complet développement à l’Amérique.

Ma vie dans ce Nouveau-Monde, et avec lui, prend aussi une forme romantique. Ce n’est pas seulement un nouveau