Du reste, Clay n’a pas toujours fait preuve de la même mesure et supériorité dans les querelles politiques ; il s’est laissé entraîner, il y a peu de temps, lors d’une lutte contre Benton, à une grossièreté presque égale à celle de ce dernier, mais un instant seulement. La violence est paroxysme chez Clay et nature chez Benton. Le premier y est excité ; le second s’en sert pour attaquer avec un orgueil presque incroyable. Clay est surpris par la violence ; Benton l’a toujours sous la main.
Clay parlait quand je suis arrivée au sénat aujourd’hui un peu plus tard qu’a l’ordinaire. On ne s’y attendait pas. Quelque chose, étant survenu pendant la discussion, lui avait fait prendre la parole, et je l’ai vu dans un de ces moments où sa gravité passionnée entraîne involontairement ou impose à la foule qui l’entoure. Il était là, les mains fermées, levées, le visage haut, et d’une voix dont j’appris alors seulement à apprécier le pathos et l’harmonie, il assurait que ses vues étaient pures, qu’il n’avait d’autre but que le bien de la patrie. « Qu’est-ce qui pourrait me tenter ? ajouta-t-il ; à mon âge, on est plus près du ciel que de la terre et trop près de quitter celle-ci pour rechercher une récompense quelconque. Le témoignage de ma conscience me donne seul la force de lutter. »
Toute l’assemblée était silencieuse, et j’éprouvais une sympathie profonde pour cet unique combattant si isolé au milieu de beaucoup d’ennemis et d’auditeurs qui lui étaient défavorables et sans un ami. Mais cet isolement constitue la grandeur la plus élevée de la terre si l’on a le juge suprême pour ami ou du moins pour unique confident.
Clay fera lundi prochain, à ce qu’il paraît, son dernier grand discours, celui qui le tuera sur la question de la Ca-