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LA VIE DE FAMILLE

Amis, jeune et très-bien, a pris soin de moi avec une courtoisie chevaleresque. L’Océan nous envoya, comme récréation, une foule de poissons volants ; des pélicans aux becs énormes planaient au-dessus des vagues et guettaient leur proie. Une grande baleine, en voyage comme nous, lançait des jets d’eau fort jolis. Notre course, en remontant la Delaware le lendemain matin, fut infiniment agréable, malgré un temps brumeux ; mais, le brouillard ayant relevé successivement ses pesantes draperies, nous vîmes des rives d’une beauté poétique, avec collines, beaux arbres, maisons de campagne, des troupeaux dans les pâturages, et une nature bien différente de celle que je venais de voir dans le sud. À Philadelphie, le professeur Hart, venu à ma rencontre, m’emmena chez lui, où je suis restée depuis lors. La vie de société, beaucoup de choses intéressantes, quoique parfois bien laborieuses, se sont emparées de moi corps et âme.

Les Quakers — « les Amis, » comme on les appelle ici ordinairement — sont d’une bienveillance extrême à mon égard ; ils me prennent la main, m’appellent Frédérika et toi, me conduisent dans de beaux équipages voir ce qu’il y a de bien, de remarquable dans la ville et hors de la ville. Quels magnifiques établissements on a créés ici en vue du bien général ! Le cœur s’élargit en les parcourant, en voyant l’esprit qui les dirige, et l’on est frappé au plus haut degré par le contraste que présentent les États à esclaves et les États libres. Les uns ont pour principe l’égoïsme, tandis que les autres prennent pour base l’amour de l’humanité ; chez les uns, le travail, c’est l’esclavage ; chez les autres, le travail et les hommes sont libres. On ne voit ici que des femmes blanches balayer le devant des portes de leur maison. Comme tout est soigné, élégant, florissant,