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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

La chaleur a été brûlante pendant la première nuit que j’ai passée à bord. Au calme de l’air et de la mer, on aurait pu croire que le vent avait cessé d’exister, et j’ai compris qu’on pouvait mourir de chaud. Beaucoup d’Espagnols de Cuba se trouvaient sur le bateau. Leur personne et leur physionomie toute spéciale et si différente de celles des Américains me donnaient matière à observations. La vivacité de leurs gestes, leur langue fortement accentuée et mélodieuse, l’originalité de leurs traits, semblent indiquer une race plus marquante que la race anglo-saxonne, et cependant il n’en est pas ainsi, du moins actuellement. Les Espagnols de cet hémisphère surtout sont, à ce qu’il paraît, fort en arrière des Américains sous le rapport de l’instruction et de la science. Une partie de ceux qui se trouvaient à bord fuyaient, disait-on, pour se soustraire aux recherches qu’on fait maintenant à Cuba relativement à la tentative manquée de Lopez contre cette île. D’autres se rendaient à New-York pour consulter les médecins ou fuir l’été des tropiques, et un jeune couple de grandes familles et proches parents, pour s’y marier, la loi espagnole mettant beaucoup d’entraves aux mariages entre parents aussi rapprochés, parce que, dit-on, les enfants ou petits-enfants résultant de ces sortes d’union sont idiots ou des êtres manqués d’une manière quelconque. Le jeune fiancé, fort joli homme, avait l’air hautain et capricieux. La fiancée et sa sœur, jeunes, jolies également, étaient trop grasses. Un vieux comte, évidemment la proie d’une hydropisie de poitrine, soufflait tandis qu’un nègre le soignait avec la plus grande tendresse ; les enfants de la même nation qui se trouvaient à bord me parurent singuliers par leurs gestes et leur parler pleins de vivacité. Le voyage sur mer fut calme et des plus agréables. Un M. Linton, de la ville des