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LA VIE DE FAMILLE

monde des plantes dans leur magnificence du matin, prophétique, chaude encore de la vision de la nuit.

Vous ne serez pas blessé, mon ami, vous si poétique de votre nature, de ce que j’ai regardé ici par les yeux de la Genèse, plutôt que par ceux du naturaliste. La première voit dans un acte spontané ce que les autres découvrent dans une succession de moments, et cependant ils voient la même réalité. J’ai éprouvé un plaisir particulier à reconnaître, parmi les végétaux de la forêt primitive, plusieurs plantes que je considérais comme des exemplaires rares en me promenant avec vous dans le jardin botanique de Copenhague. Je me souviens surtout du tulipier, du palmier éventail ou palmette, qui font partie des végétaux indigènes des États américains du Sud.

Si, dans les États du Nord, la vie est une grande épopée didactique, elle est dans le Sud une romance d’une beauté pittoresque infinie, quoique l’esclavage et les déserts de sable y aient leur place et fassent partie de la vie romantique de ces États. Les nègres, avec leur nature énigmatique, leurs chants, leurs fêtes religieuses ; les villes remplies de bosquets d’orangers, les terrasses parées de chêvrefeuille et de roses que l’hiver ne vient pas faner, à l’entour desquels voltigent les colibris, et qui protégent contre un soleil ardent des femmes belles et pâles ; les mouches luisantes que l’on voit la nuit ; les forêts de pins où les azalées se tiennent telles que des anges de lumière entre les arbres sombres, où chantent les merles, l’oiseau aux cent langues ; et beaucoup d’autres productions spéciales de ces États, — le coton, le riz, leur culture et leur population mélangée, font partie de la vie romantique de ces États.

Mais, je le sens, il est presque téméraire à moi d’essayer