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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

avec sa nature grandiose, ses bords couverts de forêts et variés des plus belles couleurs : j’ai vu les rivières, les vallées, les montagnes du Connecticut et du Massachusett ; elles m’ont fait penser à la Suède : les scènes naturelles de mon pays et celles de ces États se ressemblent beaucoup, même par leurs aspects d’hiver, leurs aventures dramatiques de joie et de misère.

Ensuite j’ai vu au sud les États aux Palmettes de la Caroline et de la Géorgie ; le luxe de leur vie naturelle, sous des formes qui m’étaient inconnues, m’a ravie. Je voudrais pouvoir vous décrire ces rivières rouges dont les rives sont couvertes de forêts que nulle main humaine n’a touchées, où l’on ne voit pas d’habitation humaine, où des forêts semblent nager sur l’eau, et au milieu desquelles des centaines d’espèces d’arbres sont enlacés par des milliers de belles lianes en fleurs. On dirait le chaos de la vie des plantes, mais un chaos plein de beauté ; des groupes surprenants représentent les formes architecturales que nous admirons dans les temples et les églises édifiées par la main des hommes. La forêt primitive les montre ici dans un jeu fantastique inspiré par le rêve du matin de la nature ; celle-ci n’est-elle pas humaine, ou remplie de ce que l’humanité a de bon et de mauvais, de beau et d’épouvantable ? Les formes colossales de la forêt primitive représentent des portiques, des voûtes de temple, des pyramides, des grottes, des sphinx, des dragons, des piliers couronnés de fleurs, des autels, des arcs de triomphe, de profondes et silencieuses voûtes sépulcrales. La forêt primitive c’est le rêve du monde de l’homme, et avec quelle richesse, quelle poésie ! J’ai vu ici le troisième jour de la création lorsque, à cette parole du Père de tous : « Soyez, » la terre ouvrit son sein maternel et donna naissance au