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LA VIE DE FAMILLE

Nous vîmes quelques maisons en bois, peintes en jaune clair et à deux étages, construites dans de bonnes proportions, avec toits en tuile ; elles sont situées sur des hauteurs verdoyantes, entourées au loin de collines encore plus élevées. Cette perspective était belle et romantique, la vue des maisons dégagée et les vitres grandes. La vie intérieure des Trembleurs ne paraissait pas le moins du monde sombre, étroite, comme je me l’étais représentée. Nous vîmes quelques frères dans les champs, commodément occupés à ramasser du foin, le regain, à ce que je présume. Ils ne se hâtaient pas.

Hier, dimanche, nous avons assisté, ainsi qu’un grand nombre d’étrangers, au service divin. L’église est une grande salle qui pourrait contenir deux à trois mille personnes ; elle a de très-grandes fenêtres, est haute, très-claire, sans aucun ornement. En y entrant, je fus surprise de voir une foule de figures de femmes pâles comme la mort, ressemblant par leur costume à des cadavres ensevelis, assises sur des chaises alignées le long du mur, roides, immobiles comme des momies : c’étaient les femmes de la société des Trembleurs. Leur aspect, véritablement sinistre, aurait été triste sans la nouveauté du spectacle. Dans un pays où toutes les femmes ont le même costume, celles qui s’habillent différemment des autres ne deviennent intéressantes que par là. Toutes les sœurs portaient des jupes blanches, grises ou jaune clair rayées, des souliers à talons hauts, des fichus blancs attachés de telle façon sur la poitrine, que ses formes en devenaient invisibles ; les robes paraissaient faites aussi de manière à faire ressembler le corps à un tronc d’arbre dépourvu de lignes. Ces femmes portaient sur la tête un petit bonnet comme ceux des quakeresses et dont le voile uni était serré sur la figure. Je