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Page:Bremer - La vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 2.djvu/169

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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

m’aperçus qu’il était passé au bleu, ce qui contribuait à donner au visage sa couleur cadavéreuse.

Les frères Trembleurs entrèrent en cortége de l’autre côté de la salle ; tous étaient en culotte courte, bas, et souliers à haut talon, veste, manches de chemise, tête nue, les cheveux coupés droits sur le front et tombant sur la nuque. La réunion, composée de cent personnes environ de chaque sexe, s’assit sur des bancs qu’on apporta, les hommes pour eux et les femmes pour elles, mais en face les uns des autres. Deux sœurs portèrent en silence et amicalement des bancs aux spectateurs qui remplissaient tout un côté de la salle, en plus grand nombre que les Trembleurs. Un moment après, ceux-ci se levèrent vivement, les bancs furent enlevés, les frères et les sœurs restèrent un instant debout, en ligne, vis-à-vis les uns des autres ; un homme âgé s’avança, parla un moment, mais je n’entendis pas ce qu’il disait. Ensuite les frères et les sœurs se mirent à chanter et à danser, avançant et reculant à petits pas, chacun pour soi, alignés, avec figures symétriques, d’après une mesure dont le rhythme avait quelque chose de gai et de balançant. Durant toutes les variations de ce chant revenait un mouvement de triolet que les Trembleurs faisaient presque toujours ressortir par des coups de talon frappés avec beaucoup d’énergie, tandis qu’ils remuaient les mains en mesure, à peu près comme lorsqu’on dandine un enfant.

La danse et le chant s’arrêtèrent court pendant quelques minutes ; un nouveau prédicateur s’avança, parla, puis la danse et le chant recommencèrent et continuèrent un peu de temps ; ils me parurent ennuyeux et dépourvus d’âme. Ces femmes pâles, habillées uniformément, piétinant, trottant, faisant la bascule, tournant sur elles-mêmes les yeux baissés et sans signe de joie ou de vie naturelle, me parais-