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LA VIE DE FAMILLE

et, je crois, des institutions raisonnables, bien appropriées à leur but, en exceptant la danse, qui pourrait être plus jolie.

L’un des Anciens, Richard Bushnell, m’a donné, au moment des adieux, un volume contenant l’histoire de l’origine et de l’organisation de « l’Église de mille ans, ou société unie des croyants appelés les Trembleurs. » J’y vois que cette secte est née en France pendant une assemblée qui eut lieu dans le Dauphiné à la fin du seizième siècle. Une foule d’hommes et de femmes furent pris d’extases religieuses qu’ils considérèrent comme des effets du Saint-Esprit, accompagnés de visions, d’exhortations intérieures à une vie sainte, ascétique et consacrée à Dieu. Inquiétés et persécutés en France, plusieurs de ces sectaires passèrent en Angleterre.

Anne Lée, fille d’un forgeron, jeune, et qui, dès son enfance, avait eu des révélations et des inspirations du genre de celles dont il est parlé dans l’histoire d’une célèbre Suédoise, sainte Brigitte, fit connaissance de ces pieux Français, et, quoique ne sachant ni lire ni écrire, elle ne tarda pas à se distinguer par sa science relativement à la Bible et aux choses saintes. Après des luttes spirituelles intérieures qui la maigrirent, elle arriva à un état d’extase durant lequel son âme et son corps prirent une nouvelle vie et firent d’Anne Lée le point central, l’institutrice et la directrice de la petite bande dispersée de ceux qui croyaient aux inspirations supérieures de cet état extatique. Une foi vigoureuse, un génie inné, aidèrent cette femme, dépourvue de la culture la plus ordinaire, à faire un système de ce qui n’était auparavant que des phénomènes et des pressentiments sans base. Anne Lée et son influence établirent cette doctrine, que le monde, étant tombé par la première