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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

Ève, serait complétement relevé par la seconde ; que le nouvel avénement du Christ aurait lieu par l’œuvre du Saint-Esprit et intermédiaire de la seconde Ève, qui donnerait la vie en Dieu à la race que la première avait conduite à la défection envers lui. Une chasteté complète en était la principale condition, ainsi qu’une vie tournée vers Dieu en travaillant pour les frères et pour les sœurs.

La secte des Trembleurs vit dans Anne Lée cette nouvelle révélation de Dieu sur la terre. Ils l’appelèrent « mère Anne Lée » et se laissèrent gouverner par ses inspirations. Le culte dansant qu’elle fonda, où les extases étaient violentes, comme cela arrive naturellement dans toute secte jeune, fut bientôt troublé par la populace ; Anne Lée et plusieurs de ses adhérents furent jetés en prison. Cependant on les relâcha, les avertit de ne pas recommencer, les menaça, ce fut inutilement. Ils se réunirent de nouveau pour chanter et louer Dieu ; le chant devint une danse, un chant d’actions de grâces, qui les fit sauter, bondir. Constamment harcelés et menacés en Angleterre, les Trembleurs, comme tous les enthousiastes persécutés de l’Europe, tournèrent les yeux vers le Nouveau-Monde, au delà de l’Océan ; Anne Lée eut la révélation d’y fonder la société de New-Libanon.

En 1774, elle traversa la mer avec une petite bande de fidèles ; balancés sur les flots, ils dansèrent et chantèrent avec extase. Le capitaine du navire, ne comprenant rien à ce culte, menaça de les jeter à la mer s’ils n’y renonçaient pas ; mais ils continuèrent à chanter et à danser. Une tempête survint, une planche se détacha du navire, l’eau s’y précipita. Le capitaine, furieux contre les Trembleurs, vit dans leurs pratiques impies la cause de ce malheur et allait réaliser sa menace, lorsque la mère Anne Lée s’écria :