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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

poussière d’eau qui tombait comme un brouillard. La nature, autour de Trenton, est sauvage, d’une beauté pittoresque, mais étroite.

Nous passâmes la journée à Trenton, faisant société avec ce géant et ses alentours. L’auberge était excellente comme presque toutes celles de ce pays, et située dans un vallon romantique, Nous fûmes bien nourris, nous dormîmes bien, et j’aurais désiré pouvoir rester ici plus longtemps ; mais nous retournâmes le lendemain à Utique, et continuâmes de là notre voyage.

Cette fois aussi le soleil était avec nous, et la contrée riche, fertile comme auparavant. La rapidité de notre course ayant mis le feu à quelque chose du convoi, on s’arrêta pour l’éteindre. Nous prîmes la chose froidement, restâmes assis dans nos fauteuils commodes, n’éprouvant d’autre inconvénient de l’aventure qu’un peu de fumée ; le danger fut détourné avec prestesse et sang-froid. Le convoi s’était arrêté le long d’un grand et beau verger qui n’était clos, du côté de la route, que par une palissade en bois assez basse. Au moment où j’attirais l’attention de Marie Lowell sur la beauté et la perfection, dignes du paradis, de quelques jeunes pommiers dont les fruits brillaient des plus jolies teintes rouge et jaune d’or, je vis avec surprise, et, — je dois le dire, — avec chagrin, une foule d’hommes de vingt à trente et quelques années, bien mis, ayant de bonnes manières sous tous les rapports, sauter par-dessus la clôture, entrer dans le verger, attaquer, dépouiller de la façon la plus impitoyable ces beaux et riches arbres fruitiers. Des branches furent rompues et arrachées au milieu du rire et du bavardage de cette compagnie de brigands, augmentée constamment par d’autres qui sortaient du convoi et sautaient par-dessus la clôture dans le jardin. Mais alors on entendit une voix bien