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Page:Bremer - La vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 2.djvu/200

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LA VIE DE FAMILLE

des arcs-en-ciel au-dessus et autour de la chute, selon que les rayons y tombent ou que le vent fait mouvoir la pyramide mobile de l’esprit des eaux. C’est un spectacle incessant de jolies visions toujours variées et ravissantes, quelque chose qui me réjouit et m’oppresse en même temps, car je voudrais en mieux comprendre la signification. Je sens que le Niagara a beaucoup de choses nouvelles à me dire, ou que je n’ai pas encore comprises. Rien ne me réjouit complétement, aussi longtemps que je n’en saisis pas la pensée intime. Dans ma jeunesse, la danse elle-même ne m’a amusée qu’au moment où j’en ai compris l’intention.

Nous avons déjà passé ici quarante-huit heures, et nous y resterons probablement deux ou trois jours encore. Le matin je regarde la chute américaine lorsque le soleil levant jette des centaines de ponts éclatants sur le nuage formé par les eaux. Dans l’après-midi et le soir, je contemple la cataracte du Canada, quand le soleil se couche sur le territoire anglais. Le matin, je prends un bain dans ce qu’on appelle le Mammoth, lit de la rivière, où les eaux entrent avec une telle impétuosité dans la maison des bains, qu’on a de la peine à s’y tenir accroché. Ce bain est extrêmement fortifiant. Immédiatement après le dîner, nous nous asseyons, mes jeunes amis et moi, sur la terrasse qui est devant nos chambres ; nous regardons le courant passer avec rapidité, j’écoute son chant. Il m’arrive souvent de me tenir longtemps sur l’une des petites jetées établies au-dessus du courant ; j’aspire la bonne odeur de l’eau, car elle à un parfum d’une fraîcheur délicieuse que je ne puis comparer à rien. Il me semble qu’on pourrait rajeunir de corps et d’âme en le respirant.

Hier au soir, James Lowell et moi (Marie, ayant un