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LA VIE DE FAMILLE

tins. Ils avaient leurs banquets de Noël, leurs danses de la Saint-Jean ; mais la récolte de la première année manqua. La terre, mal ou faiblement cultivée, ne voulut pas donner une riche moisson. Puis vint un hiver rigoureux avec neige et ouragan ; les maisons, mal construites, donnèrent un mauvais abri ; la maladie, les événements fâcheux, le manque de travail, d’argent, — les privations de tout genre survinrent. Les souffrances que plusieurs de ces colons eurent à endurer sont presque incroyables. Tous à peu près croulèrent comme fermiers, et quelques-uns se relevèrent ainsi que leur famille, en exerçant un métier, et finirent par gagner, comme cordonniers et tailleurs, un salaire que l’agriculture leur refusait. C’est un honneur pour eux, dans leur profonde misère, d’avoir travaillé loyalement, souffert avec courage sans se plaindre, et d’être parvenus à se relever par le travail. De leur côté, les habitants du pays ne les ont pas laissés sans secours lorsque leur position a été connue. Margaret Fuller (depuis marquise Ossoli) ayant fait un voyage dans l’Ouest avec madame Clarke, le hasard la conduisit chez les colons du lac des Pins. Depuis plusieurs mois, le capitaine Schneidau était assis sur son lit de douleur, par suite d’un mal de jambe. Sa jeune et jolie femme avait été obligée, pendant cet hiver rigoureux, de se charger des travaux les plus pénibles. Elle avait trouvé son premier-né gelé dans la chambre où il couchait ; la neige et la pluie y entraient avec furie. Le mari et la femme étaient seuls dans ce désert et sans moyens pour se faire aider, la servante qu’ils avaient eue pendant quelque temps les ayant quittés ; les voisins étaient trop éloignés et trop malheureux eux-mêmes pour leur venir en aide. C’est alors que la Providence leur envoya les deux voyageuses.