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LA VIE DE FAMILLE

les soucis l’ont vieillie et brisée avant le temps. J’ai vu en elle le véritable type d’une bourgeoise suédoise, avec la surabondance de chaleur cordiale exprimée par ses yeux et ses paroles, et qui ne mesure pas avec avarice les dons de sa main. Elle nous régala du plus excellentissime café.

Son mari avait débuté ici comme agriculteur ; mais sa femme et lui n’avaient pas l’habitude des travaux rudes, leurs terres étaient mauvaises, ils manquèrent d’aides. Ils avaient beaucoup d’enfants, en eurent davantage et infiniment de mal. Tandis qu’elle nourrissait ses enfants, madame Petterson était obligée de se livrer aux travaux les plus fatigants, et souvent elle a fait la lessive à genoux, courbée par le rhumatisme. Son mari, contraint de renoncer à l’agriculture, se fit cordonnier, et réussit à gagner strictement le nécessaire pour lui et les siens. Il est mort quelques années auparavant, et sa veuve se dispose à quitter son petit domaine, qu’elle ne peut plus administrer, pour se retirer chez son gendre Bergvall. Elle se sentait épuisée, vieillie, passée, comme elle le disait, sans toutefois se repentir d’être venue en Amérique, car elle songeait à ses enfants, à l’avenir qui s’ouvrait pour eux dans le Nouveau-Monde, elle était contente de l’avoir acheté en faisant le sacrifice de sa vie, en marchant prématurément vers le tombeau où elle allait déposer sa béquille.

La contrée était ravissante, ses rives fraîches et touffues se réfléchissaient dans le lac uni comme une glace ; la forêt descendait jusque-là, et le coucher du soleil était moins enflammé que d’ordinaire en Amérique. C’était un véritable paysage suédois, où les sombres pins se mêlaient aux arbres à feuilles rondes.

En entrant dans la maison de bois, nous nous trouvâmes une vingtaine de Suédois réunis, et la soirée se passa en