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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

passer la nuit à l’hôtel, soit pour me reposer, soit pour continuer mon voyage de jour, afin de voir ces plaines gigantesques. Mais l’hôtel était plein de messieurs réunis en assemblée pour délibérer sur des questions d’éducation ; on était au plus fort de la discussion. Il n’y avait donc pas de place pour moi. Quand je parlai de ma fatigue, de ma crainte de voyager la nuit sur des routes qui souvent n’en sont pas et sur lesquelles la diligence verse six fois par semaine, l’hôte répondit en me parlant de la grande et importante convention qui avait lieu dans la ville, des hommes remarquables réunis et demeurant chez lui. Il en était tellement boursouflé, qu’il ne lui restait ni oreille ni cœur pour la pauvre dame fatiguée, demandant une petite chambre pour la nuit. Je parlai clôture, il parlait presbytère. « Son hôtel n’était pas précisément destiné aux dames, mais aux messieurs ; il y en avait un autre dans la ville ; il s’offrait de m’y faire conduire, tout en craignant qu’il ne fût aussi rempli par les membres de la grande convention. Dans tous les cas, la diligence n’allait à Galena que de nuit, et je pouvais compter aujourd’hui qu’elle était conduite par le meilleur cocher ; la nuit étant belle ; je ne manquerais pas d’arriver saine et sauve à Galena. » Voilà ce que me dit mon hôte. La séance de la grande et remarquable convention pouvant se prolonger fort tard, et la diligence devant partir sur-le-champ, je n’avais pas le loisir de recourir à l’assistance, à la politesse, à l’hospitalité américaine des membres de la convention, et dont le maître de l’hôtel manquait absolument. Il fallut partir.

« Mon cher ami, dis-je d’un ton suppliant au cocher, je suis une étrangère venue d’un pays lointain et seule ; promettez-moi de ne pas me verser.

— Cela m’est impossible, mame, répliqua-t-il ; mais je