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LA VIE DE FAMILLE

vous promets de faire de mon mieux pour que vous arriviez heureusement. »

Cette réponse était sensée et prononcée d’une voix qui m’inspira de la confiance. Je pris donc place dans la voiture et m’éloignai du premier endroit inhospitalier et non amical que j’avais trouvé en Amérique. Trois ou quatre hommes m’avaient précédée dans la diligence, où j’étais seule de femme. Il faisait tellement noir, que je ne pus distinguer leur visage ; mais, à leurs voix et à leurs questions, je devinai qu’ils étaient jeunes et d’une classe peu relevée. « Vous êtes-vous blessée, mademoiselle Bremer ? Avez-vous peur, Mame ? » Exclamations dont ils m’accablèrent sur-le-champ avec bonhomie et gaieté, mais grossièrement. Je répondis par le monosyllabe « non. » Et ils me laissèrent en paix. Cependant je n’étais pas sans inquiétude à l’égard de cette course nocturne. J’avais entendu parler de diligences versées, d’une femme dont le bras avait été cassé, d’une autre si fortement contusionnée dans le côté, qu’elle en était encore malade à Galena ; d’un monsieur ayant reçu à la tête un coup tellement violent, qu’il en avait perdu la mémoire pendant plusieurs heures, et autres histoires de ce genre.

Quelques-uns de mes compagnons de voyage ne s’étaient jamais vus, mais ils firent bientôt connaissance. L’un d’eux allait remplir les fonctions de maître d’école dans un lieu rapproché du Mississipi ; il avait un accent déplorable, sa prononciation était large et fautive. On lui demanda, entre autres, s’il pourrait résoudre un problème mathématique avec de « l’eau. » À cette question, le maître d’école parut complétement déconcerté ; et son compagnon de voyage se mit à lui expliquer cette expérience en long et en large d’une manière fort amusante. Le maître d’école